Focal Solo6 Be
5 oct. 2009 - par MacMusic
Dans la jungle des enceintes de monitoring, les Stéphanois de Focal se sont taillés une belle part du lion depuis quelques années. Pour preuve la présence de leurs produits chez bon nombre de studios professionnels comme ICP à Bruxelles, le Mastering Palace de New York, ou bien encore le Studio du Flon à Lausanne. Le plus intéressant dans cette histoire c'est qu'à côté de leur ligne haut de gamme (SM11) trône des moniteurs aux tarifs beaucoup plus accessibles pour le commun des mortels. La gamme SM6 a vraiment de quoi faire de l'oeil aux studios, project-studios et home-studistes désireux de goûter à la qualité Focal sans pour autant devoir se couper un bras. Aujourd'hui c'est sur les Solo6 Be que nous jetterons notre dévolu.
Mise en bouche | |
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Les Solo6 Be sont des enceintes de monitoring actives de proximité conçues dans la droite lignée des SM11. Sans vous assommer avec une myriade de chiffres superflues, sachez juste que leur réponse en fréquence est étonnamment large pour des enceintes de ce gabarit. Le tweeter à dôme inversé en béryllium pur n'est pas étranger à cela. En effet, le choix d'un dôme inversé optimise le couplage mécanique dôme/bobine. De plus, le béryllium étant un matériau extrêmement rigide, aucune déformation du centre du dôme ne se fait sentir. Tout ceci induit une absence de distorsion mécanique et permet donc de monter jusqu'à 40 kHz !
Pour ce qui est du bas du spectre, un woofer de 6,5" à membrane sandwich composite "W" ainsi qu'un event laminaire en face avant permettent de descendre jusqu'à 40 Hz. Pour plus de détails techniques, rendez-vous sur le site du constructeur.
Hors-d'oeuvres | |
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Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces moniteurs ont vraiment de la gueule. Les panneaux latéraux en bois précieux sont d'une délicieuse teinte rouge sombre qui se marie à merveille avec le noir profond du corps et le gris métallique des divers éléments, la grande classe ! Une fois installées sur des pieds capables d'encaisser leurs poids de 11 kg chacune, impossible de ne pas prendre une minute pour les admirer.
Cet instant de grâce consommé, arrive le moment de relier ces belles bêtes à notre installation... Et là survient sans crier gare le premier accroc, les Solo6 Be sont uniquement équipées d'entrées XLR. Certes il s'agît de la norme "pro", cependant ce choix n'est alors pas cohérent avec la présence du switch de sensibilité +4 dBu / -10 dBV qui exprime clairement une volonté d'ouverture vers les installations plus "modestes". Une connectique de type combo Jack/XLR aurait été plus judicieuse, mais passons.
Au passage, signalons la présence à l'arrière de réglages permettant d'ajuster les hautes fréquences au-delà de 5kHz (± 3 dB) ainsi que les graves en dessous de 150 Hz (± 6 dB) afin d'adapter la réponse des enceintes au local. Ma Control Room étant traitée acoustiquement, je n'en ai pas eu l'utilité lors de ce banc d'essai.
Les Solo6 Be sont maintenant confortablement installées, il est grand temps de découvrir ce qu'elles ont dans le ventre. L'heure de vérité a sonné !
Dégustation | |
Jeff Buckley - Grâce
Dès la première mesure de l'intro une chose me frappe, l'ambiance éthérée et l'arpège de guitare sont d'une largeur et d'une profondeur peu communes. J'ai à peine le temps de reprendre mes esprits que le premier break de batterie m'assène une deuxième claque... La dynamique semble être également au rendez-vous ! Cette séance d'écoute s'annonce vraiment sous les meilleurs auspices !
J'avance dans le morceau et le génie d'Andy Wallace envahit mes oreilles. Il faut dire que ce célèbre ingénieur du son a fait ici un travail d'orfèvre que l'on va brièvement essayer de décortiquer à l'aide des Solo6 Be. Le son est bien clair et équilibré mais surtout d'une grande précision ce qui facilitera la tâche.
Ainsi on peut entendre sans aucun effort l'égalisation de la guitare acoustique qui efface les notes au profit du "strum" pour renforcer la rythmique, la basse en retrait qui reprend le dessus lors des progressions harmoniques ou bien encore les arrangements de cordes bien calés dans le fond qui transforment l'image stéréo en véritable espace 3D.
La batterie quant à elle bénéficie d'un traitement classique dans le genre Pop/Rock avec une caisse claire claquante mais sachant rester à sa place grâce à un compresseur et une réverbe dont l'action au travers de ses écoutes devient flagrante. La grosse caisse est bien en avant et profite de l'espace laissé par la basse. En ce qui concerne les toms, on remarque qu'à l'occasion des breaks ils sont exagérément étalés dans le champs stéréo ce qui accentue d'autant plus l'effet dramatique recherché. Enfin, le travail sur les cymbales est un cas d'école avec très peu d'attaque et un sustain contrôlé pour ne pas agresser l'auditeur et laisser respirer le titre.
Passons maintenant au morceau de choix, la voix planante de Jeff ! Une fois de plus, la maîtrise technique de Monsieur Wallace fait des merveilles. De l'EQ ciselée à la compression transparente en passant par la réverbe calée au poil sur le tempo, tout est là pour sublimer la voix de ce chanteur hors norme en lui donnant toute l'assise et l'espace qu'elle mérite. Et les Focal nous permettent de scruter cela à la loupe, un vrai régal !
Prenons maintenant un peu de recul et regardons le tableau d'ensemble, "Grâce" est un titre fleuve à l'orchestration extrêmement chargée. Pourtant il émane de cette chanson une sensation d'espace hallucinante que les Solo6 retranscrivent à merveille. Dieu sait que j'ai écouté ce chef-d'oeuvre sur bon nombre de systèmes d'écoutes et peu s'en sont sorties aussi fièrement que ces dernières. L'image stéréo est tout bonnement bluffante et l'impression d'avoir affaire à un environnement tridimensionnel domine du début à la fin. Voilà à coup sûr un sérieux atout en situation de mix qui permettra une maîtrise absolu du placement des instruments. Au passage saluons à nouveau le génie d'Andy Wallace qui, lorsqu'il semble ne plus y avoir de place à la fin du morceau, nous dégaine un bon vieux flanger pour transformer ce final en quelque chose de "plus large que la vie" comme diraient nos amis outre-atlantique ("larger than life").
Alain Bashung - La nuit je mens
Cette superbe chanson du regretté Alain Bashung figure à mon sens parmi les plus grands chef-d'oeuvres jamais produits en France, c'est pourquoi je n'ai pu résister à l'envie de passer le mix de Ian Caple à la moulinette grâce au joujou de Focal... Et une fois de plus je n'ai pas été déçu !
Sur l'intro guitare/voix une belle place est réservée à Bashung avec une superbe réverbération stéréo légèrement excentrée vers la droite dont on peut distinctement percevoir le pre-delay. Le corps de la guitare acoustique a été raboté par un filtre passe-haut. Le détail qui tue c'est que lorsque la basse rentre dans le morceau, les enceintes nous permettent d'entendre très nettement la fréquence de ce passe-haut monter pour laisser plus de place dans le bas médium. Cette basse prend donc d'emblée un espace considérable et sera d'ailleurs la colonne vertébrale du morceau. Et c'est ainsi que l'on découvre avec bonheur les qualités des Solo6 Be dans le bas du spectre. C'est puissant mais pas envahissant, ça ne bave pas, et surtout l'articulation avec le reste du registre audible est un exemple d'équilibre et de précision. Certes la limite des 40Hz pourra paraître un peu juste à certains, mais souvenez-vous que le mi grave d'une basse est à 41,2Hz. Et puis Focal a tout de même pensé aux amoureux des infra-basses puisque la gamme SM6 comprend également un subwoofer.
Mais revenons à nos moutons. Le mixage de "La nuit je mens" est d'une sobriété luxuriante issue d'un savant mélange entre l'arrangement et le savoir-faire de l'ingénieur du son. La batterie est quasiment monophonique, bien placée dans le fond de l'image 3D. Un orgue vient se caler discrètement au creux de notre oreille droite et le reste du champ stéréo est occupé par les magnifiques arrangements de cordes de Joseph Racaille. Tout est là pour enrober délicatement la voix du Maître et là encore une chose revient immanquablement en tête, la sensation d'espace que les Solo6 magnifient tout en permettant une localisation rigoureuse de chaque instruments. Du grand art assurément.
Nirvana - Smells like Teen Spirit
Le tube interplanétaire de Nirvana est à nouveau l'oeuvre du génial Andy Wallace. Cette fois-ci le Maître ne donne pas dans la dentelle et passe en mode brut de décoffrage pour signer l'un des titres les plus puissants jamais enregistrés. Au passage permettez-moi de souligner qu'ici puissance n'est pas synonyme de mastering à la hache, à bon entendeur...
L'écoute de ce morceau sur les Solo6 a été édifiante à plus d'un titre. Tout d'abord en ce qui concerne la précision de ces dernières. En effet, elles m'ont révélé des détails que je n'avais jamais remarqués auparavant. Par exemple le bruit parasite de guitare sur le canal droit lors de l'intro (à 0'05), ou bien encore le changement de réverbération sur la caisse claire suivant les passages. Ensuite au niveau de la stéréo, on entend très clairement le delay droite/gauche sur la charley ainsi que les modulations de la guitare sur les couplets. Enfin les qualités dynamiques de ces enceintes sont ici vraiment mises au premier plan. Non seulement elles encaissent sans broncher les transitions plus que violentes avec un respect du timbre implacable, mais en plus elles font ressortir la moindre "anomalie" dynamique comme la grosse caisse sur les couplets qui semble avoir toujours exactement le même son, ce qui suggère l'utilisation d'un sample.
A l'issue de cette séance d'écoute il apparaît que les Solo6 Be présentent des atouts indéniables qui devraient grandement faciliter la réalisation de mixages équilibrés et vivants. Vérifions donc cela par une petite mise en situation...
Côté Cuisine... | |
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Lors de ce test j'ai eu l'occasion de travailler sur un morceau de Reggae. Pour des questions de droits je ne peux malheureusement pas mettre ce titre en écoute sur notre site. Voici cependant mes impressions quant à cette session de mixage.
Tout d'abord faisons un point sur la situation de départ. Les prises de sons qui m'ont été confiées comprenaient 12 pistes pour la batterie, 4 pour les guitares, 2 pour la basse, 4 pour les cuivres, 4 de claviers, 4 pour les choeurs plus la voix principales, et enfin 4 pistes d'effets. Rajoutez à cela le fait que la structure du morceau se décompose en 2 sections totalement différentes niveau ambiance, ce qui virtuellement double presque le nombre de pistes, et vous comprendrez qu'il y avait vraiment de quoi faire !
Une fois la mise en place de tout ce beau monde terminée et la configuration de mes bus, groupes et auxiliaires effectuée, je me lance dans une rapide mise à plat plus ou moins poussée histoire de voir où je vais. Cette étape me permet habituellement de définir grossièrement pour chaque instrument son niveau relatif ainsi que sa place "statique" dans le champ stéréo. La bonne surprise c'est que "grossièrement" est un mot totalement absent du vocabulaire Focal, je me suis aperçu a posteriori que les décisions prises lors de cette mise à plat correspondaient quasiment aux réglages du mix final. C'est une chose suffisamment rare pour être soulignée et un énorme bon point pour ces enceintes.
Passons maintenant au travail de fond. L'égalisation est un art pour le moins périlleux lorsque l'on ne possède pas des outils de précisions. En effet, modifier des fréquences que l'on entend mal c'est un peu comme essayer de peindre à l'aveuglette, il peut parfois y avoir de bonnes surprises mais dans la plupart des cas ce sera catastrophique. Avec les Solo6 Be la question ne se pose pas, la définition qu'offre ces enceintes est tout bonnement exemplaire : les basses sont précises, les médiums bien équilibrés et les aigus d'une clarté remarquable sans être agressifs. Le tout permet de sculpter en profondeur les articulations entre chaque instrument pour un résultat des plus limpides. Le revers de la médaille c'est qu'aucune erreur n'est permise.
Par exemple, lorsque je travaillais sur le groove basse / batterie il y avait en permanence quelque chose qui me gênait, je l'entendais gros comme un camion mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus... jusqu'à ce que je m'aperçoive que je n'avais pas assez monté mon passe-haut sur les overheads. La repisse de la grosse caisse était pourtant minime mais ces écoutes ne pardonnent pas.
Autre détail intéressant concernant le rendu fréquentiel, lors de changements du volume d'écoute l'équilibre spectral semble ne pas bouger exagérément. Bravo monsieur Focal !
Au niveau de la dynamique, les Solo6 peuvent être assez déroutantes de prime abord. Je veux dire par là que la plupart des gens n'ont pas l'habitude de percevoir autant d'écart lors d'un changement d'à peine 0,3dB. Il faudra donc un petit temps d'adaptation, surtout en ce qui concerne l'utilisation d'un gate car même avec une pente très douce la coupure ne se laisse pas oublier... heureusement que l'auditeur lambda ne possède pas ce genre de matériel ! Une fois cet aspect maîtrisé, travailler avec un bon processeur de dynamique est un vrai bonheur. Avec un compresseur par exemple, il est vraiment jouissif d'entendre l'effet du moindre petit changement lorsque l'on touche aux constantes temporelles ; fini les réglages des temps d'attaque et de relâchement au petit bonheur la chance comme c'est malheureusement si souvent le cas.
Sur le morceau de Reggae, cette précision m'a permis de bien travailler sur le skank qui devait être présent mais contrôlé afin de laisser claquer la caisse claire et rebondir la basse.
Un tel rendu dynamique pourrait laisser penser qu'à la longue une fatigue auditive se fait sentir, et pourtant tel n'est pas le cas. Bien au contraire même, ces enceintes comptent parmi les moins fatigantes que je connaisse. Cependant, cette qualité peut très vite se transformer en défaut si l'on n'y prend garde car on a alors tendance à rallonger les séances de mix, voire à augmenter le volume pour se faire plaisir... Prudence donc, il ne faut jamais oublier de faire des pauses régulièrement. Quant au volume, mieux vaut ne pas y toucher en cours de travail.
Arrive enfin le moment d'approfondir le champ stéréo. Et quand je dis approfondir je pèse mes mots tant l'image sonore produite par les Solo6 est sublime de réalisme. On se surprend même parfois à fermer les yeux pour essayer d'attraper les sons en tendant la main. Il devient réellement possible de travailler l'espace en trois dimensions et ainsi placer soigneusement chacun des instruments. User et abuser des réverbérations, delays et autres devient un jeu d'enfant et l'on en vient très rapidement à peaufiner des détails que l'on ne soupçonnait même pas sur d'autres systèmes d'écoutes.
Le titre en cours de mixage est pour le moins chargé, le positionnement des divers éléments s'annonçait donc comme le morceau de bravoure chronophage par excellence. Et bien à mon grand étonnement ce ne fût pas le cas. L'image stéréo présentée est tellement spacieuse qu'au final je me suis aperçu qu'il aurait largement été possible de caser quelques pistes de plus ! S'il ne fallait retenir qu'un seul point fort de ces enceintes ce serait bien cette ahurissante sensation de 3D !
Une fois le mix terminé, je me suis bien entendu dépêché de tester le résultat sur une multitude de systèmes d'écoutes différents, de mes enceintes de monitoring habituelles à ma chaîne Hi-Fi en passant par l'inévitable iPod et le bon vieux poste radio du tas de boue qui me sert de véhicule. Résultat des courses, rien à redire. La translation d'un système à l'autre n'a révélé aucune faiblesse autre que celles intrinsèques à chacun d'eux. Comme disait Hannibal dans une série ringarde des années 80 : j'adore qu'un plan se déroule sans accroc !
Conclusion | |
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Est-il vraiment utile de préciser que ces écoutes m'ont littéralement séduite ? Ayant eu la chance d'entendre la ligne haut de gamme de la marque, je peux vous assurer que toutes proportions gardées les Solo6 Be n'ont pas à rougir face à leurs grandes soeurs. L'esprit Focal est bien présent avec un son chirurgical, pas flatteur pour 2 sous et surtout cette délicieuse image stéréo 3D. Bref, nous avons affaire à de magnifiques outils de travail à qui l'on peut se fier les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes !
Pour
• le son Focal
• la sensation d'espace
• la maîtrise de la dynamique
• le look
• le rapport qualité/prix
Contre
• connectique uniquement sur XLR
• nécessite un sub pour les mordus d'infra-basses
Focal Solo6 Be
Tarif catalogue : 897€ pièce
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