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Le tempérament Musical. Partie 1

1 avril 2004 - par Messensib
" Ce petit essai sans prétention est indispensable à ceux qui veulent savoir pourquoi le piano a des touches noires, pourquoi les guitaristes ne jouent qu’en Mi, pourquoi les violonistes trouvent que les claviers jouent faux etc….. " (W. A. Mozart –Wilhelm Alfred).

N.B : Tout au long du texte il faudra lire par exemple 2^n , 2 puissance n.
1.Tout ce que vous savez déjà ou presque :
    1.1. Généralités :

    La hauteur d’un son musical, outre sa position sur une portée, peut s’exprimer physiquement par sa fréquence en Hz (Hertz). Les Etats-Uniens disent "cycles par seconde" (c/s), ce qui est plus parlant mais dénote une méconnaissance, voulue ou non, de M. Hertz.

    On s’accorde généralement à fixer la gamme de fréquences audibles de 20 Hz à 20 kHz. Notez cependant que la bande de 300 à 3 000 Hz de votre téléphone fixe vous suffit pour comprendre et reconnaître la voix de votre correspondant.
    Très approximativement, un homme moyen non professionnel chantera et parlera entre 100 et 300 Hz, une femme du même type (!), entre 200 et 600 Hz. (Remarquez dès le départ un bon paradoxe…)
    À titre d’exemple, le Mi grave de la contrebasse est à 41,2 Hz et le Do aigu du piano, à 4186 Hz. Dans le domaine qui nous intéresse, la variation minimale de fréquence perceptible d’un son "pur" continu est d’environ 1 ou 2 pour mille entre 500 et 8 000 Hz.
    Vous savez également, bien sûr, que "l’intervalle" entre deux notes est égal au rapport de leur deux fréquences (et non pas à leur différence). Mais il n’est pas inutile de détailler ce concept. Vous serez heureux d’apprendre qu’en écoutant, vous maniez les logarithmes sans le savoir. Malgré les progrès réalisés, ces dernières décennies dans l’étude de l’audition humaine, de nombreux phénomènes restent incompris et certains le demeureront à tout jamais. On peut cependant affirmer que cette audition n’est pas "homogène" ni en niveau ni en fréquence (pour les savants, l’ "oreille" est un système non linéaire). Elle n’est pas non plus passive, et en particulier, écouter, ça s’apprend.

    Remarque 1 : Les fréquences citées, émises par les voix et les instruments, sont les fréquences "fondamentales" (voir par la suite). Les bandes de fréquence ont été mesurées à l’aide de signaux dits "purs" (sinusoïdaux).
    Remarque 2 : Est-il légitime d’utiliser ces signaux purs (sinusoïdaux), qui, après tout, n’existent pas dans la nature et ne transportent quasiment pas d’information, pour une étude sur la musique ? Rien de moins sûr, mais il faut bien commencer par le plus simple.

    1.2. Un intervalle incontournable : L’OCTAVE :

    ( Veuillez oublier immédiatement que le mot "octave" sous-entend qu’il y a 7 notes dans notre gamme). La voix humaine, outre qu’elle est un bien bel instrument, présente une très étonnante propriété. Seuls, les jeunes garçons, arrivés à l’âge de la puberté, ont la voix qui "mue". Leurs cordes vocales se mettent à fonctionner d’une façon différente. Leur voix devient plus grave. Généralement lorsqu’une foule chante, la fréquence émise par les femmes et les petits-enfants est deux fois plus élevée que celle émise par les hommes. Je dis "généralement" car il y a des exceptions chez les hommes et les femmes, et il ne faut pas oublier ceux qui chantent faux. Cet intervalle particulier s’appelle "l’octave", où l’une des fréquences est le double de l’autre, et où l’on entend la "même" mélodie. C’est d’ailleurs au point que 2 notes séparées d’une octave portent le même nom. Conséquence immédiate et importante : Les fréquences situées 1, 2, 3, 4, … n octave(s) au-dessus de F seront respectivement 2F, 4F, 8F, 16F… (2^n)F

    1.3.Un intervalle entre l’unisson et l’octave :

    Pour l’instant, vous ne devriez même pas savoir que cela s’appelle une "quinte". Parmi les personnes qui chantent faux, certaines semblent chanter un peu moins faux. Elles sont à la quinte. Pour obtenir la quinte au-dessus d’une note, il suffit de multiplier sa fréquence par 1,5 ou donc 3/2. C’est satisfaisant pour l’esprit que ce soit un rapport simple.
    Les deux notes jouées ensemble donnent un accord jugé pauvre ou reposant pour certains… Lui, ou son complément pour faire l’octave, la "quarte", sont à la base des mélodies saluant l’arrivée des gladiateurs dans les péplums …
    2. Expériences instructives (et désagréables).
      2.1. Écoute d’un signal sinusoïdal :

      Si vous n’avez pas de générateur BF sur votre logiciel, importez PitchFork de Tom Erbe qui est gratuit ou Waavebox. Audio Toolbox, meilleur pour notre dessein, est un shareware, mais sa période d’essai peut suffire. Méfiance, c’est généralement quand vous voulez savoir jusqu’où vous entendez les aigus que vous grillez vos tweeters.
      Je vous conseille d’écouter à faible niveau, et au casque si vous ne vivez pas seul. Je suis malheureusement obligé de vous parler de Fletcher et Munson , et de leurs courbes d’égale intensité subjective en fonction de la fréquence. (Reportez-vous à un ouvrage sur l’audiométrie). L’oreille a sa sensibilité maximale vers 1000 à 3000 Hz, et toujours à niveau faible, pour avoir le même niveau subjectif à 50 Hz il faut augmenter le niveau considérablement. Idem un peu moins marqué dans l’aigu. Vous constaterez que dans le très grave et le très aigu, il n’est pas facile de savoir de quelle note il s’agit.

      2.2. Deux signaux sinusoïdaux de fréquences proches :

      Enregistrez par exemple sur une piste un signal sinusoïdal à 440 Hz , et sur une 2eme piste, un second à 441 Hz, les deux à -18 dB. Faites la somme sur une 3e piste. Vous obtenez un signal dont les enveloppes sont deux belles sinusoïdes croisées -Figure 1- ( avec Protools, n’oubliez pas de passer par un sous-groupe pour pouvoir enregistrer)





      Si vous avez enregistré les deux premiers à -18 dB, lorsqu’ils sont en phase (figure 2), ils s’ajoutent, donc la crête est à -12 dB.





      Lorsqu’ils sont en opposition de phase, la somme est nulle (Figure 3).





      À l'écoute de la somme, vous entendrez un battement à la fréquence de 1Hz (441-440), fréquence qui n’existait pas au départ. C’est la DIFFERENCE de fréquence qui donne la fréquence du battement. Accorder à l’unisson, c’est annuler ce battement ou plutôt rendre sa fréquence la plus basse possible. Pour un même pourcentage d’erreur, le battement sera d’autant plus rapide que la fréquence de référence sera élevée. Si l’erreur sur l’accord est de 1%, le battement sera à 4,4 Hz pour LA4 à 440Hz, à 32,2 Hz pour La7 à 3520 Hz et de 0,055 Hz pour La1 à 55 Hz. J’insiste sur le fait que ce n’est pas une modulation d’amplitude (trémolo).

      2.3. Deux signaux sinusoïdaux, de fréquences séparées :


      Il m’est pénible d’avouer que je ne suis pas sûr de comprendre les résultats de l’expérience suivante. J’étais curieux d’entendre l’effet de l’augmentation progressive de la fréquence du battement. Ici, inutile d’enregistrer, il suffit d’écouter, les deux signaux étant toujours de même niveau. Augmentez progressivement la différence de fréquence. À partir d’une trentaine de Hz, les battements sont perçus comme un "brouillamini" qui finit par cesser et laisser entendre les deux signaux sinusoïdaux distinctement séparés. Cette bande "critique", entre l’unisson et les deux sons bien distincts, varie avec la fréquence. Voici ce que j’ai trouvé :
      Dans les aigus (4 kHz) c’est environ 10% de la fréquence de départ (400Hz).
      À 1 kHz, environ 12 % (120 Hz).
      À 500 Hz, environ 15 % (75 Hz.).
      À 300 Hz, environ 20 % (60 Hz).
      À 200 Hz, environ 25 % (50 Hz).
      En dessous, cette bande semble rester constante et de l’ordre de 40 Hz.(Pour les fréquences graves, attention de bien augmenter la fréquence la plus grave, toujours à cause des courbes de Fletcher). Cette expérience est bien désagréable, et en passant, je plains les cobayes de Fletcher et Munson.
      Tout se passe comme si l’oreille n’était pas suffisamment sélective pour séparer deux fréquences de différence inférieure à cette bande critique. Ceci est bien surprenant. Je n’ai pas vu trace de ce phénomène dans les ouvrages savants. Je ne le cite que parce que, plus tard, il nous sera utile.

      3. Un peu de théorie.
        3.1. Les harmoniques d’un son musical :

        Ici il faut citer Le Père Mersenne (1636) puis bien plus tard, Ohm et Helmholtz. Entre temps (1822) le mathématicien J-B Joseph Fourier (qui ne s’occupait pas de musique) avait émis sa très belle et puissante théorie. Son étude complète est hors de portée du profane. Pour simplifier à l’extrême, Fourier démontre qu’un signal quelconque est EGAL à la somme de signaux sinusoïdaux.

        Dans le cas d’un signal "périodique", (c'est-à-dire dont toutes les périodes sont identiques), et de fréquence F, sa "transformée de Fourier" est un "spectre" invariable dont les composantes sinusoïdales ont pour fréquences F, 2F, 3F, 4F, … nF, chacune ayant une amplitude et une phase caractéristiques du signal.
        F est appelé (e) fondamental (e) ou harmonique 1 (H1)
        2F, 3F, 4F … .nF, respectivement harmonique 2, 3, 4 … N (H 2, H 3, H 4… ).Hn

        Il est très important de comprendre que ce signal périodique est EGAL à la somme de ces harmoniques dont les fréquences sont des MULTIPLES de la fondamentale. En pratique, il suffit d’un certain nombre d’harmoniques (et non d’une infinité) pour reproduire le signal avec une bonne approximation. Vous pouvez déjà oublier les harmoniques qui dépassent 20 kHz. Seul votre chien s’en apercevra…( Il y a une controverse à ce sujet… Non, pas au sujet du chien).
        Pour ceux que cela intéresse, l’annexe 2 propose un certain nombre d’applets et une étude pour avoir une idée de ce très joli théorème.

        CONSéQUENCE TRES IMPORTANTE : La suite des harmoniques est une progression arithmétique : 1, 2, 3, 4, 5, etc… Alors que la suite des octaves est une progression géométrique : 1, 2, 4, 8, 16, … 2^n

        3.2. La réalité, juste effleuré :

        Les instruments de musique ne produisent pas les signaux idéalisés précédents, et c’est heureux, n’est-il pas vrai ? D’une part, le signal n’étant pas véritablement périodique, même une fois bien établi, ses harmoniques ne sont pas forcément des multiples exacts de la fondamentale et prennent le nom de "partiels". C’est la distribution et l’amplitude de ces "partiels" qui donnent le timbre de l’instrument.
        D’autre part, le spectre de fréquence évolue dans le temps, en particulier au moment de l’attaque de la note et au gré des "forte" et des "piano". La période transitoire de l’attaque est très représentative de l’instrument, au point que sa suppression peut rendre celui-ci méconnaissable. Un signal continu, sinusoïdal ou autre ne présente aucun intérêt pour l’oreille (c’est même insupportable). Elle a besoin d’un signal complexe riche en information. Vous trouverez sur MacMusic des analyseurs de spectre gratuits ou en shareware permettant de visualiser les variations instantanées de ces spectres avec plus ou moins de précision.(QuickTime en affiche un) vous en trouverez également dans Soundhack (gratuit), Waavebox, Spectrafoo, Metasynth etc etc. Amadeus II est particulièrement puissant, mais pas gratuit.

        3.4. Les octaves et les harmoniques :
        La figure 4 est destinée à faire comprendre la position des octaves parmi les harmoniques d’un signal périodique.
        Pour une meilleure compréhension, le signal choisi est à la fréquence du Do 1, et toutes les fréquences de l’échelle ont été divisées par cette même fréquence (32,7 Hz comme nous le verrons plus tard).
        Également, l’échelle choisie est logarithmique de base 2. Ainsi :
        Do1 = 1
        Do 2 = 2
        Do 3 = 4
        Do 4 = 8
        Do 5 = 16
        Sont équidistants.
        Vous remarquez que plus la fréquence augmente, plus il y a d’harmoniques à l’intérieur d’une octave (les notes indiquées en regard sont celles de la gamme diatonique " naturelle ", (voir plus loin). Les niveaux ne sont pas significatifs, on suppose seulement le signal riche en harmoniques, qui peuvent aller au-delà de 16, bien sûr.
        Notez que pour l’instant, je n’ai pas encore parlé de " gamme ".





        Expérience :
        Tapotez le Mi4 d’un piano pour l’avoir en tête. Jouez ensuite le Do2 seul et fort. En scrutant bien vous devrez entendre faiblement ce Mi4, harmonique 5 du Do2. (À une fréquence très légèrement différente).

        3.5.Une petite récréation :

        LE COR DE CHASSE, L’HOMME QUI CHANTE DEUX NOTES A LA FOIS, LE SYNTHE A FILTRE PASSE BANDE VARIABLE.
        Qu’y a-t-il de commun entre ces 3 entités ? Elles permettent de jouer les partiels élevés d’une fondamentale grave et qui peuvent ressembler à une gamme d’assez loin. (Revoir la dernière octave de la figure 4). L’homme, généralement exotique, produit une note grave continue (peut-être comme un ventriloque, je n’en suis pas sûr) et fait varier sa cavité buccale pour changer de partiel et chanter une mélodie pas très juste. Pour le synthé, vous avez dû vous amuser à ça. Le cor de chasse a un très long tuyau et une toute petite embouchure, ne permettant guère que de jouer les partiels par variation de la tension des lèvres. En passant, la fondamentale de la trompette ne se joue pas.

        4. Les Intervalles " consonnants ".
          En regardant la figure 4, les intervalles entre les harmoniques successifs sont de la forme : 2/1, 3/2, 4/3, 5/4, 6/5 … Ces harmoniques étant des sinusoïdes.
          Si l’on considère maintenant deux sons musicaux, chacun possédant ses propres harmoniques, et dont les fréquences fondamentales sont dans ces rapports simples, on peut définir des intervalles plus ou moins "consonnants" (du plus vers le moins), les deux sons étant joués simultanément :
          - L’unisson (est-ce un intervalle ?) est hors-concours. C’est le plus consonant.
          - L’octave est évidemment très consonante. Les notes ont le même nom. Anciennement, l’argument était que le tympan est frappé simultanément par les 2 sons toutes les 2 alternances du son le plus aigu. C’est un peu léger, vu que ces alternances ne sont pas forcément en phase. Aujourd’hui, c’est un peu mieux : chaque harmonique du son le plus aigu est commun avec un harmonique sur deux de l’autre.
          - La quinte (3/2), même si certains peuvent la trouver pauvre, est consonnante. Un harmonique est commun sur 5 au total.
          - La quarte (4/3), renversement du précédent, ou complément à l’octave. Un harmonique sur 7 est commun.
          - La tierce majeure (5/4), même argumentation.
          - La tierce mineure (6/5), idem.
          La figure 5 montre la coïncidence entre les harmoniques de la "tonique" et les harmoniques des notes à l’octave, la quinte, la quarte etc… (Les amplitudes ne sont pas significatives).

          Vous remarquerez qu’il n’y a pas d’intervalle entre 3/2 (1,5) et 2. De mon propre chef, je rajoute (non noté sur la figure 5) :
          - La sixte majeure (5/3 = 1,66…) Complément à l’octave de la tierce mineure.
          - La sixte mineure (8/5 = 1,6) - - - - - - majeure.





          C’est ici que je vais vous demander un petit effort pour comprendre que la consonnance varie aussi avec la valeur absolue de la fréquence. En vous souvenant du § 2.3, les notes à intervalles dits consonnants seront dans la bande "critique" d’autant plus que cet intervalle sera faible, et que la fréquence sera basse. Heureusement, cette bande critique est notablement plus faible que celle mesurée avec des sinusoïdes, sans doute grâce aux harmoniques.
          En tout cas, plus les intervalles sont petits, moins ils seront consonnants en descendant dans le grave. En dessous de Do3 –Mi3 (130,8 – 164,8 Hz), la tierce majeure commence à sonner moins bien. À moins d’un effet particulier, seule l’octave "sonne" dans le très grave. Il faut également tenir compte de la distribution des harmoniques des instruments. Certains, par exemple les cors, peuvent être écrits plus "serrés" que d’autres à la même altitude.

          Pour revenir à la consonnance, l’oreille est très exigeante pour la précision de l’unisson, puis l’octave et de moins en moins pour les intervalles dans l’ordre cité précédemment. L’acculturation joue également un rôle important.

          5. Comment accorder à l’octave, la quinte, la quarte etc…
            Cela peut paraître évident, mais pour accorder correctement (sans accordeur à quartz), les sons doivent avoir des harmoniques. Si on veut la quinte (rapport de fréquences 3/2), l’harmonique 2 de la fréquence la plus haute doit avoir même valeur que l’harmonique 3 de la plus basse. Il faut annuler leur battement comme décrit au § 2.2.
            Pour un intervalle m/p (avec m>p) c’est l’harmonique p de la plus haute fréquence qui doit battre avec l’harmonique m de l’autre. Comme le niveau de ces harmoniques baisse généralement avec leur rang, c’est la tierce mineure (6/5) et la sixte majeure (8/5) qui présenteront les battements les moins audibles. Naturellement, avoir ces intervalles dans l’oreille, ça s’apprend…
            6.Comment faire des faux Mi, des faux La, des faux Ré…
              6.1.L’histoire des gammes (impasse sur).

              L’histoire des gammes occidentales commence avec les grecs et nécessiterait plusieurs volumes. D’ailleurs le mot "gamme" ne date que du début du XIe siècle. Comme d’habitude en histoire, les erreurs et les réinventions de ce qu’on ignore se perpétuent. Par la suite, par prudence, je citerai peu de dates et de noms.
              Jusqu’à une époque pas très lointaine, les musiciens théoriciens ne possédaient pas d’instruments pour mesurer les fréquences. Ils connaissaient le tuyau sonore et la corde vibrante. Beaucoup de théories découlent du "monochorde", instrument où un chevalet mobile permettait de faire varier la longueur de la corde vibrante, sans modifier sa tension... J’ignore à quelle époque nos anciens ont découvert que la fréquence (fondamentale) est inversement proportionnelle à la longueur de cette corde vibrante.

              Est-ce que je vous dis tout de suite que la construction d’une gamme "parfaite" est impossible ? Non, je vais encore attendre un peu.

              6.2. Avec le cycle des quintes (gamme dite de Pythagore) :

              (Pour construire cette gamme, on n’utilise que les intervalles "justes" d’octave et de quinte) Accorder un clavier diatonique (disons un clavecin) suivant ce procédé ne présente aucune difficulté pour quelqu’un qui a bien dans l’oreille, l’octave, la quinte et la quarte (si l’octave et la quinte sont justes, la quarte l’est forcément). En supposant un Fa de référence, Do, Sol, Ré, La, Mi, Si, sont accordés en prenant successivement la quarte en dessous et la quinte au-dessus. Il est temps de vous référer à l’Annexe 1 "Intervalles-Logarithmes-Fractions". Voici les intervalles par rapport à la "tonique" Do :




              On constate qu’il n’existe que deux intervalles séparant deux notes voisines :
              Le "ton" (9/8) pour Do-Ré, Ré-Mi, Fa-Sol, et Sol-La.
              Le "demi-ton" (256/243) pour Mi-Fa et Si-Do.

              Dans cette gamme diatonique, les octaves, les quintes et les quartes sont justes, malheureusement, les tierces (et forcément les sixtes) ne le sont pas :
              Tierces majeures :
              Do-Mi = Fa-La = Sol-Si = 81/64 = 1,2656… Au lieu de 5/4 = 1,25 Erreur = + 1,25 %
              Tierces mineures :
              Ré-Fa = Mi-Sol = La-Do = 32/27 = 1,1851…Au lieu de 6/5 = 1,2 Erreur = - 1,25 %

              Nota : Ici et par la suite, si l’octave est juste, je ne donnerai que l’erreur sur la quinte, la tierce majeure et la tierce mineure. Pour les faibles valeur, l’erreur sur les compléments à l’octave, respectivement la quarte, la sixte mineure et la sixte majeure, seront de même valeur mais de signe opposé.
              Également le "ton" n’est pas égal à 2 "demi-tons".

              Quelqu’un, à un moment donné, (je suis sûr de ne pas me tromper…), a éprouvé le besoin de rajouter une note : le Sib (il paraît que ce n’est pas le Fa#) pour éviter Si-Fa, l’horrible triton, diabolus in musica (ici,1,4046),que les anciens abhorraient dit-on. Bon, on rajoute une touche (noire ?) et une corde que l’on ajuste une quinte au-dessous du Fa. Oui, mais Sib-Mi, c’est toujours le triton… . Je vois que vous m’avez compris.
              En abandonnant maintenant le clavier, la gamme chromatique ainsi construite est paraît-il appelée "gamme des violonistes". Ces valeureux instrumentistes qui ont la lourde tache d’ajuster eux-même la note, sont accusés de ne pas faire les mêmes intervalles que le reste de l’orchestre, et en particulier de faire des tierces majeures trop grandes (normal), des dièses trop hauts et des bémols trop bas.

              6.3. La gamme "naturelle" :

              Cette gamme "retrouvée" par le physicien Helmholtz qui l’attribue à Zarlino (par erreur semble-t-il) est dite également gamme "des physiciens" (Zarlino s’occupait du problème –vaste- de l’ "intonation" des chanteurs).
              Elle est conçue par analogie avec les harmoniques naturels. Toujours en regardant la figure 4 et en considérant que les harmoniques sont maintenant les notes d’une gamme :

              Les harmoniques 3, 6, 12 … Peuvent êtres appelés des Sol, toujours dans le rapport 3/2 avec le Do précédent. Les harmoniques 5 et 10, des Mi, dans le rapport 5/4 avec le Do précédent L’harmonique 9 peut s’appeler Ré4, car dans le rapport 9/4 = 3/2 avec le Sol précédent, donc à la quinte juste au-dessus.
              Remarque : les harmoniques 7, 11, 13 sonnent faux. Ne me demandez pas pourquoi.
              Je peux appeler H15, Si 4, qui est bien à une quinte au-dessus de Mi4.
              Mais je ne trouve ni Fa, ni La. Qu’à cela ne tienne, je décide que Fa est à une quinte sous le Do et La à une tierce mineure (6/5, intervalle Mi-Sol) sous ce même Do. C’est ici que réside le "trucage". Remarquez les 3 accords "parfaits" Do Mi Sol, Sol Si Ré et Fa La Do.
              Voici cette gamme, avec les intervalles entre les notes conjointes sur la 1e ligne, et les intervalles par rapport à la "tonique", Do, sur la seconde :




              Cette gamme sonne bien, paraît il... Si beaucoup d’intervalles sont justes, quelques-uns sont faux, en particulier la "quinte" Ré-La qui vaut 40/27 = 1,481 au lieu de 1,5.
              Il existe deux sortes de tons, 9/8 = 1,123 et 10/9 = 1,111... alors que deux demi-tons de 16/15 valent 256/225 = 1,1377… .Il est visible que pour transposer même à des tons voisins, Sol ou Ré majeur, des difficultés vont surgir. J’avoue que ce problème ne m’amuse pas vraiment. Si vous voulez savoir la suite, veuillez consulter un ouvrage spécialisé.

              6.4. La gamme à tempérament égal :

              C’est notre gamme occidentale usuelle. Que ceux qui ont fait Math Sup me pardonnent le raisonnement qui suit, bien compris en général.
              Je vais commencer par tricher en prenant le résultat comme prémisse, ce qui est le propre du faux raisonnement, mais dans ce cas, ce sera pour la bonne cause.
              Si je pars du 1er Do du piano, Do1 (voir numérotation des octaves Figure 6) en montant par quintes successives, au bout de douze fois, je retombe sur un Do (Do 8) :
              Do 1, Sol 1, Ré 2, La 2, Mi 3, Si 3, Fa#4, Do#5, Sol#5, Ré#6,La#6, Fa 7 et Do 8.
              Pour avoir des quintes justes, j’ai multiplié la fréquence de Do1 douze fois par 3/2, soit par (3/2)^12. Or la fréquence de Do 8, située 7 octaves au-dessus de Do 1, doit être aussi égal à 27 fois celle de Do 1.
              Tout serait pour le mieux sauf que (3/2)^12 est un peu plus grand que 2^7.

              Le calcul donne pour le rapport de fréquences (12 quintes/7 octaves) :

              531441/524288 = 1,0136432648… (Appelé comma Pythagoricien).

              Soit une note située 1,364 % au-dessus de la 7e octave pour 12 quintes.
              Notre gentil accordeur s’est donc débrouillé pour diminuer également toutes les quintes, afin que ces 12 quintes plus petites fassent 7 octaves.
              En ramenant les notes dans la même octave, en divisant leur fréquence par 2 autant de fois que nécessaire, l’octave est divisée en 12 demi-tons égaux avec :




              Ce principe d’accord est, semble-t-il, largement antérieur à Andreas Werckmeister, à qui on l’a faussement attribué (1691), son mérite étant cependant d’avoir décrit une méthode pratique pour l’effectuer à l’oreille.
              Notez que c’est ce 12 qui a fixé le nombre de notes de notre gamme chromatique. On ne distingue pas Do# de Réb, Ré# de Mib, etc…(Pour la définition du dièse ou du bémol, allez voir ailleurs….) Dans ces conditions, tous les intervalles de même nom auront la même valeur, valeur légèrement différente des rapports simples énoncés au paragraphe précédent. Voici les valeurs "à tempérament égal" en regard des intervalles simples, avec leur écart :





              Le gros avantage du tempérament égal est qu’on peut transposer à volonté dans tous les tons. La quinte est un peu fausse, et les tierces pas mal, mais visiblement, il n’y a pas trop de plaintes.

              6.5. Autres gammes :

              Il faudrait des volumes pour décrire toutes les tentatives plus ou moins réussies pour concilier les impératifs contradictoires : Intervalles justes –Transposition possible (dans tous les tons) – clavier jouable – accord facile (je parle de gammes occidentales). Je donnerai juste quelques pistes. En général, l’octave est laissée juste.
              Au lieu de répartir le comma pythagoricien (1, 013643…) Également sur les 12 quintes, on peut laisser quelques quintes parfaitement justes, et répartir l’erreur sur les autres. Quelques tonalités sont avantagées. Mais les tierces restent fausses. On peut favoriser la justesse des tierces majeures, mais les quintes et les tierces mineures deviennent encore plus petites et fausses. Helmholtz a fabriqué un harmonium à plusieurs claviers où l’on passe de l’un à un autre pour maintenir la justesse des intervalles… Et il y a eu pire.
              Pour des musiques anciennes qui modulent peu, il existe des tempéraments inégaux se rapprochant de la gamme naturelle. Certains accordeurs à quartz sont spécialisés dans ce dessein. Cela nécessite des claviers facilement ré accordables comme le clavecin ou le petit orgue positif pour changer de tonalité générale. Si le clavier n’est plus soliste mais fait partie du continuo, (Basse continue = accompagnement) de l’orchestre, c’est sans problème pour les cordes et les voix. Pour les flûtes, les hautbois, il suffit parfois … de changer d’instrument, comme les harmonicistes de Folk.
              Le reproche souvent fait (par les puristes) au tempérament égal est que toutes les gammes ont le même "caractère". Le nombre x = 12 n’est pas le seul tel que (3/2)^X soit proche d’une puissance de 2. Il y a 31, 41, 50, etc … Il n’est pas question, bien sûr, de mettre 31 ou 43 touches par octave. Mais on peut, en divisant fictivement l’octave en x intervalles égaux, en attribuer un nombre entier différent pour chaque intervalle chromatique des 12 notes. Ainsi, chaque gamme aura un "caractère" différent.
              Certains prétendent que le "Clavier bien tempéré" de Bach, (qui ne signifie pas tempérament égal) aurait été conçu pour une gamme à 53 intervalles égaux avec les intervalles suivants entre les notes :
              Do5 /Do#4/Ré5/Ré#4/Mi4/Fa5/Fa#4/Sol5/Sol#4/La4/La# 5/ Si4/Do.

              Je plains l’accordeur…

              7. Des notions pratiques sous-estimées.
                7.1. L’unisson de masse :

                Considérons dans un orchestre de qualité un pupitre de 1er Violons de 12 personnes, jouant la même partition à l’unisson. Le son obtenu est riche, soyeux, mouvant. Même chose pour les 20 choristes de chaque partie d’un chœur à quatre voix. Que se passe-t-il ? Même si les fréquences sont très proches, et il vaut mieux qu’il en soit ainsi, les phases des signaux s’entrecroisent plus ou moins lentement au hasard, et génèrent un son vivant, car non répétitif, même si la note reste la même.
                Le gros son d’un synthé peut être obtenu en empilant des formes d’ondes de fréquences et/ou de vibrato très légèrement différents.
                Plus modestement, le piano n’a que 3 cordes par note, à droite du croisement (4 dans des Blüthner queue), mais cela suffit pour que le son soit mouvant et vivant, même et surtout lorsque ce piano est bien accordé.

                7.2. Le vibrato :

                Voici quelque chose qui n’est marquée sur aucune partition. C’est une modulation de fréquence d’une certaine amplitude et rythme autour de la fréquence fondamentale (avec également un peu de modulation d’amplitude, mais restons simple). Regardez un violoncelliste ou un violoniste de talent interpréter un concerto. Est-il atteint de la maladie de Parkinson ? Non, il fait du "vibrato".
                Certains instruments de l’orchestre classique ont le "droit" de vibrer : flûte, hautbois, cordes solistes….. D’autres ne doivent pas : clarinette, cuivres… Ne me demandez pas pourquoi. En "variété" c’est ad lib.

                De l’intérêt du vibrato :
                Je passe rapidement sur le vibrato destiné à masquer qu’on joue faux. Ma 1e idée toute personnelle est que dans une salle d’une certaine dimension, les fréquences de résonances, quoique très rapprochées, peuvent, soit exagérer, soit éteindre complètement une note longue très pure (elle peut revenir en opposition de phase). Un léger vibrato peut pallier cet inconvénient. La 2e idée est que cela évite des battements désagréables sur des intervalles faux par essence. Enfin, on ne conçoit pas la Donna Elvira du Don Juan de Mozart chanter sans vibrato, léger et déchirant cependant. Le Stabat Mater de Pergolèse, lui, est bien plus joli avec un enfant et une alto (ou une haute-contre) qui ne vibre pas. (Opinion toute personnelle).

                Cependant, écoutez une chanteuse "lyrique" âgée ou même certains chanteurs (euses) classiques contemporains. Leur vibrato est parfois tellement large, lent et régulier qu’ils semblent vous dire : "choisissez la note que vous voulez dans cet intervalle". Vous avez compris, je déteste ça.

                Si vous écoutez des enregistrements anciens de la 1ere moitié du siècle dernier, vous constaterez que les solistes, chanteurs (euses), violonistes, cellos … ont en général un vibrato rapide, beaucoup moins ample, dont le rythme peu varier, et qui s ‘exprime surtout sur des notes longues. Je préfére.

                Quelques vibratos historiques :
                Louis Satchmo Armstrong : vibrato "déchiré" en fin de note.
                Sydney Béchet : bien trop large, mais c’est le style.
                Maria Callas : irrégulier et en fonction du contexte.
                Caruso : très peu et rapide.
                Stan Getz : très léger et distingué.
                Accordéon musette : Populaire (fait avec 2 lames légèrement désaccordées, donc ce n’est pas réellement un vibrato).
                Lee Konitz et Paul Desmond : quasiment pas.
                Sonny Rollins : aucun.

                Pour mémoire, le trémolo (modulation d’amplitude) : En sont pourvus, Julien Clerc et Véronique Sanson (et anciennement les guitares éléctriques…).
              A propos de l'auteur: Messensib
              philosophe. Ex-livreur de musiques de films, mais toujours soldat de première classe.
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