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La compression - part.2

1 juin 1995 - par cbraut
En s'appuyant sur divers cas concrets, voici quelques explications, qui devraient vous aider à exploiter au mieux votre compresseur. Au cas où certains termes vous paraîtraient un tant soit peu abscons, reportez-vous au glossaire ci-contre.

A moins que votre chanteur maîtrise l'art de la compression naturelle, s'éloignant du micro lorsqu'il chante plus fort, s'en approchant lorsqu'il chante plus doucement, sans doute éprouverez-vous le besoin de niveler un soupçon la prise, d'amoindrir les écarts entre ce couplet murmuré avec amour et ce refrain dans la plus pure tradition hyènes, chacals et Florent Pagny hurlent à la lune . Ceci étant dit, plus vous compresserez une voix, plus vous ramasserez de bruits annexes (respiration, sibilances, borborygmes...). Les autres instruments n'échappent pas à ce phénomène d'amplification des sons indésirables. Ainsi, avec par exemple des guitares ou des basses, un excès de compression fera ressortir les bruits de doigts, leur glissement sur les barrettes, etc.
La compréhension d'un texte est également une autre des raisons pour lesquelles compresser la voix. Peut-être la dernière syllabe d'un mot, moins forte que la première pour des raisons phonétiques, et masquée par l'arrivée subite d'une descente de toms, ne se fera-t'elle pas suffisamment entendre. Pour contrecarrer les néfastes dessins de ces instruments à peaux et préserver ainsi l'intelligibilité de vos vers, un petit coup de compresseur s'impose. On aurait bien sûr pu, d'un mouvement de fader, monter tout le mot, mais le niveau de la première syllabe aurait été trop élevé... Vous l'auriez deviné, plus on mixe une voix dans la musique , plus on devra la compresser. Ce qui est vrai pour la voix l'est aussi pour d'autres instruments : d'une manière générale, pour empêcher des nuances de disparaître, noyés dans un mixage, on appellera le compresseur à la rescousse.
Attaque et release
    Plus subtils que le seuil et le ratio, les réglages d'attaque et de release d'un compresseur sont d'une importance capitale. Des valeurs inadaptées auront tôt fait de déboucher sur des effets secondaires indésirables.
    On pourra par exemple décider de compresser un signal tout en laissant passer plus ou moins de transitoires. Pour ce faire, l'attaque ne devra pas être trop rapide. A son minimum, sur des sons de basse, elle risque cependant de piéger le compresseur, qui, plutôt que de suivre le contour du signal, le compressera carrément à chaque cycle de la forme d'onde. Danger : distorsion ! Pour remédier à ce problème, certains compresseurs sont dotés d'un réglage hold , contraignant l'appareil à maintenir la compression pendant une durée déterminée.
    Enveloppe
      Encore plus que l'attaque, le release doit être adapté à l'enveloppe de la source traitée. Effectivement, en admettant qu'il soit rapide, et que le son décroisse lentement, le niveau remontera brusquement lors de cette phase de décroissance. Dans ce cas, augmentez donc progressivement le release jusqu'à obtenir satisfaction. Dans le même ordre d'idées, pour un narrateur, un release rapide risque de faire remonter souffle et bruit de fond entre les mots. De même pour un chanteur, si l'accompagnement est relativement dépouillé et la voix en avant. Cette désagréable remontée de bruit, due à un release trop court, porte le nom de breathing . Là encore, on optera donc pour un release plutôt long. A l'aide d'un compresseur multibande, on pourra éventuellement n'agir que sur les fréquences de la voix du narrateur, et non sur celles du souffle et du bruit de fond, et se jouer ainsi du breathing avec une facilité déconcertante.
      Malgré ses avantages, un release trop long aura tendance à masquer les passages faibles succédant immédiatement à des passages forts, puisqu'en dépit du fait que leur niveau soit inférieur à celui du seuil, ils seront néanmoins compressés.
      Par contre, si notre narrateur parle par-dessus de la musique (qui par conséquent, masquera partiellement souffle et bruit de fond), un release court aidera à comprendre la fin des mots, dont la remontée passera plus ou moins inaperçue, à cause de la musique. Notez enfin, dans un autre style, que c'est également grâce à un release court, que l'on contribuera à tempérer l'effet de pompage lors de la compression d'un mixage.
      Rythmique
        Comme nous le laissions entendre dans la 1ère partie, l'absence de nuances dans les variations d'amplitude est synonyme de puissance. De nombreux batteurs, bassistes, et dans une moindre mesure, de guitaristes, sont friands de compression. En plus de niveler les écarts de niveau d'une note à l'autre (la basse slapée étant l'un des exemples les plus frappants), la compression agit sur l'enveloppe du son. Avec des signaux courts et percussifs, tels qu'une grosse caisse, qu'une caisse claire, la décroissance sera moins raide, conférant un côté plus massif à l'instrument. Souvent, sur les basses et les batteries, on choisira une attaque suffisamment rapide pour atténuer les transitoires, mais pas trop non plus, pour en laisser passer un peu...
        Bref, qu'il s'agisse de seuil, de ratio, d'attaque, de release..., le réglage d'un compresseur, plutôt que d'appliquer des recettes, nécessite de réfléchir chaque fois à toutes les conséquences qu'auront ces différents paramètres sur le signal à traiter. Au final, comme souvent, l'oreille doit être le seul juge. En espérant que les quelques directions abordées vous auront donné envie d'exploiter en profondeur cet incontournable périphérique, et comme toujours, d'expérimenter...
        Les parametres du compresseur
          Seuil (treshold) : niveau à partir duquel le compresseur entre en action. Lorsque le signal dépasse ce seuil, il subit une compression dans des proportions déterminées par le ratio. Avec un seuil relativement bas, le signal est compressé dans son intégralité, ou presque. Avec un seuil relativement élevé, seules les pointes sont traitées. Afin de faciliter leur utilisation, certains compresseurs sont dépourvus de réglage de seuil, dont la valeur est fixée par le constructeur. Jouer sur le niveau d'entrée permettra de contourner cette absence de réglage.

          Ratio : exprimé sous forme fractionnaire (2:1, 4:1, 10:1, 20:1...), cette valeur représente le taux de compression. Avec un ratio de X:Y, tout signal dépassant le seuil de Z dB subira une atténuation de (Z - Z:X) dB. Si par exemple, pour un ration de 4:1, la source dépasse le seuil de 4, 8 ou 12 dB, le signal, après compression, ne le dépassera plus que de 1, 2 ou 3 dB. En d'autres termes, le compresseur l'atténuera respectivement de 3, 6 et 9 dB (cf. figure 4).

          Soft knee : plutôt que d'opérer à détection d'un dépassement de seuil, la compression s'applique constamment, mais de façon de plus en plus radicale avec l'augmentation du niveau.

          Hard knee : plus drastique, la compression s'applique ici normalement, au delà d'un certain seuil et d'après un certain ratio.

          Niveau d'entrée : comme toujours, on veillera à ce que le niveau du signal entrant soit supérieur au bruit de fond du compresseur, sans toutefois saturer son étage d'entrée.

          Niveau de sortie : il peut être utile de jouer sur ce réglage, pour compenser l'atténuation due à la compression, ou tout simplement, pour ajuster le niveau par rapport aux appareils situés en aval.

          Attaque : temps mis par le compresseur à réagir, à partir du moment où il détecte un dépassement de seuil. Ce paramètre couvre en moyenne une plage s'échelonnant d'une milliseconde (voire moins) à plusieurs dizaines de millisecondes. Choisir une attaque relativement lente aura pour effet de laisser passer les transitoires, de les préserver.

          Release : durée au cours de laquelle le compresseur continue à compresser, à partir du moment où l'amplitude du signal redescend en dessous du seuil. Ce paramètre couvre en moyenne une plage s'échelonnant d'un dixième de seconde à cinq secondes. Sur certains compresseurs, ce réglage est automatiquement effectué par l'appareil, soi-disant intelligemment en fonction du signal, et avec plus ou moins de bonheur. Ceci étant, comme le dit le célèbre adage ostro-moldave, mieux vaut un bon réglage automatique qu'un mauvais réglage manuel...

          Link (slave) : souvent, les compresseurs sont groupés pas deux. Ils peuvent alors, soit traiter indépendamment deux signaux (avec des réglages différents), soit s'appliquer à l'identique aux deux canaux d'un signal stéréo. Dans ce second cas, la fonction link désactive les réglages de l'un de ces canaux, qui prennent alors les valeurs de l'autre. Hormis un intérêt pratique évident, on évitera ainsi d'altérer l'image stéréo, ce qui est systématiquement le cas lorsque des compresseurs agissent indépendamment sur les canaux gauche et droit.

          Limiteur : à partir d'un ratio de 10:1, on considère qu'il y a limitation. En d'autres termes, le signal est tellement diminué qu'il donne l'impression de ne jamais dépasser le seuil. La limitation est utilisée, entre autres, pour éviter d'endommager des haut-parleurs, ses oreilles (notamment sur scène, dans le cas d'un système de monitoring au casque), de dépasser le niveau critique lors d'un enregistrement numérique, etc.

          Circuit latéral : généralement, le compresseur agit en fonction du niveau du signal à traiter. Pour ce faire, ce signal est acheminé en parallèle, via un circuit dit latéral , à un module d'analyse d'amplitude. Lorsque cette amplitude est supérieure au seuil, le compresseur entre alors en action (cf. figure 5).

          Key : plutôt que d'analyser l'amplitude du signal à traiter, certains compresseurs ont la possibilité de réagir en fonction de celle d'un autre signal, collecté à l'entrée key , ou sidechain (cf. figure 6). Par exemple, en radio, il n'est pas rare que le compresseur chargé de traiter la musique se déclenche en fonction de la voix de l'animateur, acheminé à l'entrée key . Ainsi, chaque fois que cet animateur parlera, le niveau de la musique s'abaissera automatiquement. Cette technique s'appelle voice over .

          Correcteurs : certains compresseurs disposent de filtres permettant d'égaliser le signal du circuit latéral. Où comment compresser, uniquement lorsqu'une certaine bande de fréquences dépasse un certain niveau.

          Multibande : de plus en plus répandus, les compresseurs multibande divisent le signal en plusieurs bandes de fréquences, pour ensuite compresser individuellement chacune d'elles. De véritables outils de précision !
          Bons plans
            - Envoyer une horloge, un métronome, ou pourquoi pas, un charley, à l'entrée key d'un compresseur, vous permettra de créer des effets fort originaux. Essayez par exemple de compresser des nappes selon ce principe : résultat garanti.

            - Comme chacun sait, le déesseur est un appareil destiné à éliminer partiellement les sibilances, et autres sssh intempestifs, générés par la voix. Particulièrement présentes en close micking (prise de proximité), ces hautes fréquences sont à la fois inesthétiques et dangereuses pour la bande. Or, à l'aide d'un égaliseur et d'un compresseur pourvu d'une entrée key , rien n'est plus facile de se concocter un déesseur. Commencez par dédoubler votre signal, puis, acheminez-le d'une part au compresseur, et de l'autre à l'égaliseur (réglé pour booster les fréquences supérieures à 5 kHz de 10 à 15 dB, ou pour atténuer d'autant celles inférieures à 5 kHz), dont on dirigera la sortie vers l'entrée key du compresseur. La compression, réagissant ainsi aux aigus, atténuera uniquement les sifflantes.

            - Aviez-vous remarqué que les échantillons étaient souvent délicats à boucler, à cause des différences d'amplitude qu'ils comportaient ? Rien n'est plus facile que de les niveler... Pour ce faire : insérez un compresseur entre le micro et l'entrée du sampler, puis réglez-le afin qu'il limite . Grâce à cela, vous échantillonnerez des sons, qui du début à la fin, seront à peu près stables en niveau !

            - Chaque compresseur possède sa propre courbe d'attaque, mais surtout, de release linéaire, logarithmique, exponentielle...ce qui, avec l'électronique (à lampes, à transistor) et le procédé employé (hard knee, soft knee) est l'un des principaux facteurs responsables de la couleur de l'appareil. Non documentée dans les manuels, ces courbes s'adapteront plus ou moins bien à tel ou tel instrument, selon l'enveloppe de ce dernier et le jeu de l'instrumentiste.

            - L'oreille, lorsqu'elle est soumise à des niveaux élevés, se protège en compressant elle-même le signal. Ainsi, en studio, régler un compresseur en écoutant plein pot sur les grosses écoutes, risque de fausser votre appréciation.

            - Certains compresseurs ont tendance à réagir trop énergiquement. Ainsi, ils mettront une telle bonne volonté à compresser des signaux d'amplitude très élevée, que ces derniers se retrouveront carrément projetés en dessous du niveau du seuil. Cet effet, dit overlimiting , est parfois intéressant à exploiter.



            © Christian Braut
          A propos de l'auteur: cbraut
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